elle a besoin de les admirer passionnément
et elle sait bien que pour gagner leur tendresse
elle doit être la plus faible
il était environ midi
c'est l'heure où l'on attend le bonheur
étendue sur un lit
où le silence donne une chaleur douce
où la couleur préférée est toujours celle d'une robe neuve
si neuve qu'on va l'acheter tout à l'heure
heureusement, il n'était encore que midi dix,
l'heure précise, où l'on a de la volonté,
où l'on désire sans crainte,
où l'on trouve toujours les mots dont on a besoin.
sa mémoire, à tire d'aile, allait rejoindre l'incertain et le passager
Que m'importe :
je suis seul,
j'agis en lançant en l'air ces mains
que je crois fortes et fines comme l'ambre.
Ce ciel au dessus de moi, je n'ai plus peur qu'il craque.
Les grandes rivières sont des esclaves tendres.
J'agis en regardant un troupeau très loin,
en prenant possession d'une forêt qui ronge la colline,
et dans le fond,
cette ville bleue sous le silence,
n'est-elle pas aussi à moi ?
L'herbe grince sous le soleil,
une route se creuse un lit dans les prairies,
et le vent frappe à toutes les portes
avec son cortège d'arbres, de rocs et de sifflements.
Je sais bien que je suis seul de cet avis,
mais le silence est mon complice.
La nuit ferme quotidiennement les portes de mon royaume,
mon corps est délié,
plus léger que mon esprit et dépourvu de songes,
je plane au dessus du grand espace fleuri d'étoiles,
au dessus du temps que les secondes, comme des cigales, dévorent en criant.
Il faut être seul,
mais seul sans miroir et sans ombre,
un peu d'air comme une fleur entre les dents et le regard droit,
belle flèche pour une cible faite à l'image de soi.
Je ne crains que mon désir.
Contre celui-là qui est un oiseau, une femme, un courant d'eau et d'air,
une lampe sur une table, une plume, un fruit, un océan ou une cigarette,
il faut lutter lorsqu'on n'a pas l'habitude de la force.
Je suis fort comme une motte de terre qui ne disparaitra jamais,
comme une goutte d'eau, seul phénix connu
Et ce silence qui était mon royaume,
mon royaume d'or,
je l'abandonne,
je le vends pour quelques paroles sèches comme des plaques de cuivre.
Est-ce pour mieux l'aimer,
pour le conquérir à nouveau ?
Je suis un roi du silence et de moi-même,
mais j'ai soif de conquêtes,
soif de lutter surtout,
car ce domaine abandonné,
cette moitié de mon coeur,
je vais la reprendre pour la mordre,
pour l'enlacer,
triste de n'avoir que deux bras.
J'ai beau rugir au nom du ciel, au nom du coeur,
je ne suis simplement,
oh ! très simplement
qu'un bavard furieux
comme une rivière.
Que m'importe après tout !
Le sens de mes paroles est faux,
mais mes paroles s'envolent.
Je tourne avec un peu de grâce dans un cercle en agitant des petits drapeaux.
Je parle et je comprends,
je comprends et je parle,
je n'ai songé à rien, à rien, à rien.
Une crise de larmes serait ici la bienvenue,
mais nous avons horreur de pleurer.
Nous sommes des sentimentaux sans sentimentalité.
Je découvre à cause de vous,
à cause de moi, ô mes frères, des hommes.
Vous jouez de l'harmonica devant votre glace, excellent exercice de gymnastique.
Hommes de paille, hommes de feu,
vous choisissez des volcans pour la petite danse guerrière.
Je pense à vous, frères loups, je pense à vous, mais non à moi.
Nous avons oublié notre âme.
celle-là...
oui j'ai négligé mon âme.
Nous ne sommes que des esprits.
Nos passions sont rouges comme le fer chaud,
mais jamais une larme ne briserait ce beau métal de famille.
L'esprit tue.
Je l'ai deviné et je me crois malin.
Mais je ne suis pas capable de reconnaître ce par quoi je vis
ce par quoi nous valons.